NOW
20 Juin 2015, 20h42« Bridget ? » Son prénom résonne dans toutes les pièces de l’appartement sans qu’aucune réponse distincte ne parvienne jusqu’à ton oreille. La journée a été épuisante et la soirée ne s’annonce pas de tout repos non plus. Ton sac fait un vol plané jusqu’au canapé tandis que tu retires ta veste pour l’accrocher sur le porte manteau. C’est sans beaucoup d’entrain et de motivation que tu te diriges vers la cuisine pour ouvrir le réfrigérateur. Rien. Seulement deux yaourts, une brique de lait et une bouteille de soda. Une chose est sûre, les tâches du quotidien ce n’est pas vraiment ton truc. Ce soir, ce sera des pâtes. Comme tous les autres soirs de la semaine. Facile et rapide à cuisiner, les pâtes sont les amis des hommes. Après avoir récupéré un sachet dans l’un des placards, tu places une casserole sur le feu pour faire bouillir de l’eau. Pour patienter, tu en profites pour sortir ton revolver de son étui en cuir relié au ceinturon qui te parcourt la taille pour le poser sur la table de la cuisine avant de faire la même chose avec ta plaque contenu dans la poche intérieur de ta veste. Après avoir jeté un coup d’œil sur l’eau, tu peux apercevoir qu’elle n’a pas encore commencé à bouillir. Tu te rends donc jusqu’au salon pour récupérer le sac et emprunter le long couloir qui donne à la chambre d’amis. Deux murmures peuvent finalement parvenir jusqu’à toi. Sans l’ombre d’un doute, des voix féminines. Sans réfléchir et sans même toquer, tu pousses la porte et pénètre dans la chambre provoquant la colère de l’une des deux adolescentes.
« C’est quoi ton putain de problème ? On ne t’a jamais appris à frapper avant d’entrer ? » S’exclame-t-elle visiblement très énervée. A croire qu’elle n’est jamais heureuse lorsque tu es dans les parages. Le pire, c’est son amie à côté d’elle qui ne fait aucun effort pour cacher son sourire. Elle se moque de toi mais ce n’est pas important. Des gamines de quinze ans ne vont tout de même pas te mettre à la porte de ton propre appartement.
« Je suis passé au supermarché avant de rentrer. Je ne savais pas si tu préférais des tampons ou des serviettes alors je t’ai pris les deux. » Tu as sorti les deux boites du sachet pour lui montrer alors que son visage s’était décomposé devant tes yeux. Dans un premier temps, tes sourcils s’étaient froncés et ton regard était dubitatif. Qu’est-ce que tu avais bien pu faire de mal encore une fois ? Le visage de ta nièce s’était mis à blanchir avant de devenir totalement rouge. Quant au sourire de son amie, il s’était nettement agrandit depuis quelques secondes. Puis, un énorme cri avait envahi l’appartement te faisant sursauter.
« Je te déteste ! » Hurla-t-elle avant de te pousser en arrière pour te claquer la porte au nez. Sous le choc, aucun de tes muscles n’avaient réussi à bouger avant que tu ne prennes la décision de faire demi-tour pour rejoindre le salon. Décidemment, tu ne comprendras jamais rien aux adolescentes.
20 Juin 2015, 22h18Un bâillement, puis deux, puis trois… Tu n’as pas de mal à ressentir la fatigue. Même le café ne change rien à ça. C’est environ ta dixième tasse et pourtant tu es sur le point de t’endormir comme une masse. Il n’est pas dans tes habitudes de ne pas écouter les personnes qui parlent devant toi. Tu qualifies ça de manque de respect mais si quelqu’un te le reproche, il suffira de lui montrer les cernes qui se sont installées sur ton visage depuis maintenant un mois.
« Spencer ? » Ta tête se relève subitement lorsque tu entends ton prénom. Pris en flagrant délit. Tout le monde te fixe en attendant que tu te lèves pour prendre la parole. Tu t’exécutes, légèrement embarrassé par la situation.
« Je m’appelle Spencer et je suis un alcoolique. » La chanson, tu la connais presque par cœur. Tu es obligé d’assister à une réunion par semaine minimum si tu ne veux pas perdre ton emploi et en même temps la garde de Bridget.
« Bonjour Spencer. » prononcent toutes les personnes dans la pièce en chœur. Un petit signe de la tête suffit pour les saluer à leur tour.
« Je suis policier et je n’ai pas bu une goutte l’alcool depuis vingt-sept jours exactement. Pour être honnête, une petite bière devant la télé sur mon canapé en rentrant du boulot pour regarder un match est une tradition qui me manque un peu. Seulement, dans exactement 3 jours, je serais sobre depuis un mois entier et j’ai vraiment hâte d’y arriver. » Les yeux braqués sur toi te rendent un peu mal à l’aise mais tu sembles apprécier en entendant deux ou trois applaudissements dans la salle.
« J’ai commencé à boire quand mon travail est devenu un peu trop présent dans ma vie et ce serait un mensonge si je vous disais que j’ai décidé d’arrêter parce que je le voulais. En réalité, mon frère et sa femme sont décédés dans un accident de la route. Ils avaient une fille, Bridget. J’ai appris qu’ils m’avaient désigné comme tuteur en cas de… » Tes yeux se ferment et tu te concentres sur ta respiration. Ton frère était tout pour toi. C’était un exemple. Il avait toujours aidé les autres et c’est l’une des raisons qui l’avait prédestiné à épouser le métier de pompier. Il avait 41 ans lorsque sa vie s’est arrêtée. Pourquoi toi ? Pourquoi avait-il eu la stupide et mauvaise idée de confier sa fille à son petit frère alcoolique et obsédé par son travail ? Cela te dépassait.
« Je fais de mon mieux pour l’aider et pour lui apporter une figure parentale mais, je ne suis pas son père. Je ne ressemble en rien à un père et je sais qu’elle me hait plus que n’importe qui. Tout serait plus simple si elle n’était pas tombée sur moi. »12 YEARS AGO
Tes mains ne tremblent pas d'un millimètre et aucune hésitation ne peut se lire sur ton visage. Ce n'est pas comme si tu avais préparé ce qui va se passer. Tu n'as même pas réfléchit à la question pendant au moins une minute. Les yeux terrifiés de ton père face à toi sont posés sur le briquet dans ta main droite et tu ne peux même plus l'entendre respirer. Tu vas faire une connerie. Tu le sais. Mais trop tard pour reculer. C'est une question de vie ou de mort à tes yeux.
« Fiston... écoute moi. Je te laisse une chance de faire marche arrière. Je ferais comme si rien ne s'était passé. Pose ce briquet pour qu'on puisse avoir une vraie conversation... » Sa voix est calme et posée. Il tente de faire passé toute sa sincérité en quelques mots. Tu arques un sourcil en l'observant avant de regarder la femme qui se trouve à ses côtés.
« J'accepterais de te parler à condition que cette pute dégage de notre maison. C'est ma seule condition. » Tu penses avoir le contrôle. Tu n'es plus un gamin. Tu as dix-sept ans aujourd'hui et tu ne t'es jamais sentit aussi mature qu'aujourd'hui.
« Je t'interdis de parler de Victoria de cette façon. C'est ta mère et tu te dois de la respecter même... » « Ce n'est pas ma mère ! C'est juste une salope que tu as ramassé sur le bord de la route et que tu as épousé. » Cette femme ne représente absolument rien pour toi. Cela fait dix ans que ton père la fréquente et tu l'as rencontré depuis deux ans. Pourtant, tu refuses de l'accepter dans ta famille. Il n'y a que deux personnes qui comptent pour toi. Ton père et ton frère. En parlant de ce dernier, il est positionné au niveau de la porte du salon et ne se cache pas pour rire. Il t'a même déjà traité deux fois d'abrutit.
« Tu es en colère parce que je suis rentré tard ce soir ? » Il te questionne et un rire hypocrite sort de ta bouche. Il se fout de ta gueule ? Ta colère semble décuplée. C'est clair, tu ne reculeras pas.
« Je suis en colère parce que tu avais promit de ne pas louper mon match ce soir et que tu n'étais pas là ! Encore une fois. Je suis en colère parce que tu préfères baiser ta pétasse plutôt que de t'occuper de tes gosses. Je suis en colère parce que tu l'as engrossé. Je suis en colère parce que tout le monde me fait chier dans cette putain de famille de merde ! » L'adolescence. Tu es en plein dedans. Tout le monde t'énerve. Ton père a de la chance, tu n'es pas au maximum de tes capacités ce soir. Tes deux heures de colle pour avoir frappé un autre élève ainsi que ton match de football américain, un peu plus tôt, t'ont épuisé. Après quelques secondes, tu finis par lâcher ton briquet en entendant ton portable sonner. A l'autre bout du fil, c'est ton meilleur ami. La fête d'après match a commencé et il t'attend devant chez toi. Tu souris et te diriges vers la porte sous le regard désabusé de ton père. Ta crise est passée.